L’important c’est le combat

 

« Je ne remettrai plus les pieds dans cette taule, c'est trop dégueulasse ! » Devant l'entrée d'une usine, une ouvrière se rebelle, refuse de reprendre le travail après les grèves de mai et juin 1968. Cinquante ans plus tard, en 2018, cette scène est rejouée par des lycéens de Romain Rolland. Elle figure dans le nouveau long-métrage Nos Défaites de Jean-Gabriel Périot qui a été salué au Festival international de Berlin cet hiver. Le 6 octobre, il sera présenté en avant-première au Luxy avec toute l'équipe : des professionnels et des lycéens. C'est à l'invitation de la Ville, via son cinéma municipal, que ce film a vu le jour grâce au partenariat que mène depuis long temps l 'équipement public avec la classe de première littéraire, option cinéma. Dans ce cadre, un réalisateur vient tous les ans réaliser un film avec les élèves qui choisissent d'être devant ou derrière la caméra. Le sujet du film naît de cette rencontre.

« Je leur ai montré une trentaine d'extraits de documentaires de styles différents. Je me suis rendu compte qu'ils étaient sensibles au cinéma politique et engagé des années post-68 qu'ils ne connaissaient pas, se rappelle le cinéaste. Finalement, ils ont retenu huit scènes et je leur, ai demandé de les réinterpréter. » S'ensuivent des interviews avec les jeunes acteurs sur les classes sociales, la grève, l'engagement, le bonheur... Les thèmes portés par Mai 68.

 

Changer le monde

« Quand des adolescents ne savent pas ce qu'est un syndicat ou la révolution, même française, je considère qu'il y a un échec collectif des adultes dans la transmission d'une culture sociale et politique, et de cet événement émancipateur qu'est Mai 68, analyse-t-il. Voilà pourquoi mon film a pour titre Nos Défaites. C'est quand même un des rares moments de notre histoire où la société a voulu changer le monde ! »

En décembre 2018, alors que le tournage est terminé, un chapitre inattendu va s'écrire. Des policiers diffusent alors sur les réseaux une vidéo montrant des élèves du lycée de Mantes-la-Jolie agenouillés les mains sur la tête. « C'est d'une violence inouïe, le summum de la répression policière ! J'ai rappelé les lycéens d'Ivry pour recueillir leurs réactions. » À ce moment-là, ils bloquent eux aussi leur établissement, dénonçant la réforme du bac, Parcoursup. À des tags dans l'enceinte, la proviseure réplique en appelant la police et en déposant plainte. « Mettre en garde à vue des gamins de 17 ans pour avoir tagué ou mis le feu à des poubelles, c'est former des citoyens qui vont être dans une défiance complète vis-à-vis des représentants de l'État ! Mais six mois après avoir quitté les lycéens ivryens, je les retrouve dans l'action, ayant gagné en maturité, affirmant que l'important, c'est le combat, pas les victoires ! Les défaites apprennent à être plus forts, plus conscients. » Le film s'achève alors sur ce bel espoir.

 

Catherine Mercadier
Ivry ma villle
Septembre 2019